«
Alain Avello animait, lors des Estivales de Marine Le Pen qui se déroulaient les 17 et 18 septembre 2016, à Fréjus, la table ronde intitulée « Le Service public : une idée moderne ». Voici le texte de son intervention introductive :
Si, n’exagérons rien, les Services publics ne sont bien sûr pas une exclusivité française, le Service public « à la française » en est tout de même la forme la plus aboutie.
C’est que, de longue date, notre pays a institutionnellement ordonné et subordonné les intérêts particuliers à l’intérêt général — caractéristique essentielle de la République — ; c’est que, d’autre part, ce processus de subordination est allé de pair avec celui de la construction, de l’unification et de la centralisation de l’Etat.
L’Etat, du même mouvement qu’il se construisait, a donc progressivement mis en place les Services publics, organismes et dispositifs en dépendant, et donc la fonction est de répondre à des besoin d’intérêt général.
Et le Service public dont, en 1938, les lois de Rolland porteront à l’explicite les principes intrinsèquement républicains, contribueront à faire de la République, pour tous et partout, sur tout le territoire national, une réalité concrète.
Le Service public fera l’unité du territoire, en désenclavant notamment les plus reculés des territoires : que l’on pense à l’extension du réseau ferré, à l’électrification ou à l’implantation des bureaux de poste dans le moindre village. Il se fera par ailleurs fort d’assurer la continuité de ses missions dans les départements et territoires d’Outre-mer, permettant à ces territoires d’être vraiment intégrés à la République.
Le Service public permettra aussi de rendre effective l’égalité entre les citoyens : que l’on songe ici à l’égalité devant les soins réalisée par le service public de la sante, ou à l’égalité devant l’enseignement.
Le Service public contribuera enfin à la prospérité de la nation : il s’est longtemps fait moteur en matière d’innovation, notamment industrielle, et en tant que tel vecteur de croissance et d’emploi. Il faut ici évoquer, pour s’en tenir à quelques exemples qui ne sont d’ailleurs pas les moindres, aux infrastructures autoroutières, à partir des années 50, ou à l’industrie de pointe, dont le TGV fournit un exemple de choix.
Eh bien, ce modèle français qui, on l’a vu, a contribué à la prospérité nationale et à l’effectivité de la République ne survivra malheureusement pas aux années 80.
A partir de cette époque, les gouvernements successifs, de gauche comme de droite, vont procéder à la casse des Services publics, et ceci du même mouvement que va s’accélérer le processus d’intégration européenne.
C’est que les traités de l’UE méconnaissent, à de rares exceptions près, la notion même de Service public : ils ne parlent tout au mieux que de SIG (services d’intérêt général) ou de SIEG (services d’intérêt économique général).
Pis, ces traités imposent le dogme de la « libre concurrence » qui, érigé en absolu, ne peut que ruiner l’esprit du Service public et se traduire par sa destruction progressive.
Ainsi le Traité sur le fonctionnement de l’UE appelle-t-il, en son article 60, à la libéralisation des services, y compris publics, et son article 107 interdit-il les aides publiques « sous quelque forme que ce soit ».
Sous l’impulsion de l’UE, c’est donc à l’affirmation du dogme de la « concurrence libre et non faussée » se substituant à la notion républicaine d’intérêt général, héritée de ce que l’Ancien régime désignait comme « Bien commun », qu’on assiste : l’UE substitue un dogme anglo-saxon à un principe français qui avait organisé les institutions et fait la grandeur de la France !
Et nos gouvernements successifs, de droite comme de gauche donc, tous unanimement inféodés à l’UE, vont, doigt sur la couture du pantalon, exécuter les directives de libéralisation des Services publics imposées par l’UE : dès 1989, sont libéralisées les postes et télécommunication, à partir de 1991, c’est au tour du chemin de fer, puis ensuite de l’énergie — on se rappelle, sous leur cohabitation, Chirac et Jospin se rendant main dans la main à Barcelone pour y signer les accords portant sur la libéralisation du marché de l’énergie —, les autoroutes — privatisation débutée sous Jospin, poursuivie dans les années 2000, sous Raffarin et Villepin, etc.
Ces Services publics, qui avaient été constitués grâce à l’impôt des Français, étaient donc livrés peu à peu à des intérêts privés naturellement guidés par la seule logique du profit, et nullement par celle de l’intérêt générale.
Les conséquences sont connues : des hausses vertigineuses de prix (qu’on pense à l’augmentation de nos factures d’électricité), une multiplication des ruptures d’égalité (qu’on pense aux conditions de déplacements en train), l’abandon de territoires entiers (zones rurales, banlieues), etc.
En substance, ce qui avait donc participé à la grandeur et à la prospérité de la France, ces Service publics largement enviés de par le monde, ont été progressivement mis à sac, et cela, incontestablement, a participé au déclin de notre pays.
Pour autant, le processus d’involution que je viens de décrire n’appelle aucune nostalgie : nous avons moins à déplorer l’effondrement d’un système qu’à faire preuve de la volonté politique requise pour rétablir ce qui doit l’être en vue de l’avenir !
Pour l’avenir, il nous faut nous libérer de l’UE, de sorte à recouvrer notre souveraineté, sans laquelle tout est sacrifié sur l’autel de la « concurrence libre et non faussée », et la notion même de Service public, fondée sur le sens de l’intérêt général, ne peut que se perdre.
Pour l’avenir, il nous faut, souveraineté recouvrée, concevoir des Services publics refondés, rénovés, résolument modernes, et libérés de certaines pesanteurs.
Pour l’avenir, il nous faut redéployer les Services publics en les organisant et en les mettant en œuvre à partir d’un Etat-stratège.
Car le Service public est non seulement une idée moderne, mais une idée d’avenir et une exigence pour l’avenir de la France !
A4_PROGRAMME_ESTIVALES_FREJUS_DP