« CONTRE LA MONDIALISATION LINGUISTIQUE,
UN ENSEIGNEMENT EXIGEANT DES LANGUES »
Résumé de l’intervention d’Alain Avello,
président du Collectif Racine, conseiller régional des Pays de la Loire
Nantes, 16 janvier 2016
Le globish ou « anglais de communication internationale » est à la fois l’un des symptômes et l’un des vecteurs de la mondialisation : cette langue qui, à la vérité, n’en est plus une, accompagne les flux planétarisés des marchandises, des personnes et des capitaux. Plus précisément, elle nourrit le mondialisme, idéologie participant à la relégation de la forme Etat et à la dissolution des identités nationales, et prescrivant pour seul destin à l’individu humain celui de rompre avec l’ensemble de ses appartenances collectives – en premier lieu, la nation –, pour ne plus exister que comme pur apatride. Idéalement donc, l’usage par cet individu déraciné autant qu’atomisé de sa langue naturelle, ultime « patrie », doit alors devenir subalterne par rapport à celui de l’anglais de communication internationale.
Mais en quoi réside l’efficience de cette « langue » ? Le globish, forme donc de l’idéologie mondialiste, et, à ce titre, vecteur de la mondialisation n’est pas seulement une autre langue qui redoublerait l’usage des langues naturelles, il procède à leur insidieux appauvrissement et tend à les supplanter en les minant « de l’intérieur », la langue anglaise elle-même étant la première exposée à cette entreprise de subversion, d’où son « usure » extrêmement rapide, en quelques décennies à peine. Il importe à ce propos de distinguer les emprunts que les langues se font les unes aux autres – et le français a autant emprunté à l’anglais que réciproquement –, ce qui appartient à la vie même des langues, du phénomène autrement plus inquiétant que nous considérons ici.
De fait, assistons-nous à une « défrancisation de la langue française » sur fond d’uniformisation linguistique et de standardisation culturelle, sous l’influence hégémonique de l’anglais de communication internationale. Si cette hégémonie est, d’une façon particulièrement visible, principalement à l’œuvre dans les secteurs d’activité dépendant directement de la mondialisation (dans le milieu de l’informatique notamment, comme dans les conseils d’administration des grandes entreprises où l’on impose l’anglais de communication internationale, lors mêmes que leurs membres ont le français pour langue naturelle, et qu’ils maîtrisent parfois très imparfaitement l’anglais…), elle est tout autant à l’œuvre, et de façon généralisée, via ces vecteurs d’usages linguistiques que sont, par exemple, les productions de l’industrie mondialisée du cinéma : les doublages de films produisent une « standardisation linguistique » – rétraction du lexique, usure de la syntaxe, appauvrissement de la pensée, à laquelle répond une acculturation sans précédent par la standardisation de modes de vie…
Depuis l’ordonnance de Villers-Cotterêts (1539), la nation française s’est historiquement construite par homogénéisation linguistique. Si l’Ecole a longtemps pris toute sa part dans ce processus, en promouvant l’usage du français comme seule langue nationale et en permettant aux enfants de France de parvenir à la maîtrise et jusqu’à l’amour de leur langue, elle s’est au contraire, depuis 40 ans, rendue complice des reculs du français face à la standardisation linguistique provoquée par l’anglais de communication internationale. Un élève sortant du collège a aujourd’hui perdu, depuis le cours préparatoire, un total de 600 heures de français par rapport à l’élève de 1976 ; et la catastrophique réforme Valls-Vallaud-Belkacem devant entrer en application à la rentrée 2016, accentuera encore cette régression. Quant au latin et au grec, sans l’enseignement desquels sont irrémédiablement tenus dans l’ignorance des racines de leur langue et dans l’impossibilité de la vraiment comprendre ceux dont c’est pourtant la langue naturelle, s’ils étaient déjà fort mal en point, la réforme suscitée achève d’en provoquer l’extinction. Que l’Ecole organise le recul de la compréhension et, donc, de la maîtrise du Français, en consentant à l’hégémonie décrite plus haut se trouve d’ailleurs assumé de la façon la plus explicite : le rapport Thélot de 2004, sur la base duquel allait être conçue la « loi Fillon » de 2005, instigatrice du « socle commun de connaissances », osait ainsi proclamer que les « compétences fondamentales pour le citoyen du XXIème siècle [sont en définitive] l’anglais de communication internationale [et] les technologies de l’information et de la communication ». La boucle mondialiste était donc bouclée…
Eh bien nous, qui ne sommes pas mondialistes, mais patriotes, et qui revendiquons donc le droit imprescriptible de notre peuple à défendre et préserver sa souveraineté, notamment linguistique, tout en reconnaissant d’ailleurs le même droit à chaque nation, nous prônons un enseignement exigeant des langues, à commencer par celui de la langue française ! Revenir à un enseignement du français qui permette à tous les Français de parvenir à sa maîtrise effective, c’est le premier impératif auquel devra répondre une Ecole restaurée dans ses missions. Et cela passera, comme l’a souvent exprimé le Collectif Racine, par une révision en profondeur des méthodes d’apprentissage de la lecture, par le retour d’un enseignement véritable de la grammaire, mais aussi par celui des langues anciennes, qui doit être restauré et, tout autant, sans rien céder de son exigence, effectivement démocratisé. Tout reste pareillement à faire en ce qui concerne l’enseignement des langues vivantes, y compris de l’anglais, le niveau en langues des jeunes Français étant dans l’ensemble déplorable : elles doivent être enseignées dans leur irréductible singularité, et non, instrumentalement, comme simples moyens de communication, car enseigner une langue, c’est permettre à la pensée de s’y mouvoir.